En m’engageant dans ce voyage, je n’avais pas complètement conscience qu’en même temps que les indiens, ce sont les tibétains que j’allais rencontrer. Une grande communauté tibétaine vit à Dehradun, et plus particulièrement, notre centre d’accueil, Tarab Ling, est tibétain. Tarab, provenant du nom de Tarab Tulku ou encore Tarab Rinpoché, qui a lancé la construction de ce lieu à sa mort (voir article précédent), au-delà des dualités.
J’ai eu l’occasion pendant ces 10 jours de beaucoup échanger avec Norbu, le gestionnaire de Tarab Ling, et son parcours de vie m’a émue, il est venu ouvrir certaines portes de mon cœur. Je reviendrai sur le parcours de Norbu au fil de ces quelques lignes.
Notre première sortie de Tarab Ling a été Mussoorie, ville touristique dans les montagnes, entourée de belles forêts, peuplées notamment de cèdres et de singes.
C’est ici que le Dalaï Lama est venu s’établir, après son départ forcé du Tibet. Il est resté un an à Mussoori et a fait construire un temple, le Shedup Choepelling temple, avec un orphelinat, dans la douce « vallée heureuse ». Le lieu est très beau et inspire la sérénité.
Nous avons pu entonner le Om mani padme hum, en envoyant des pensées positives à l’humanité, en tournant les moulins à prières du monastère,
et en passant sous les milliers de drapeaux de prières, contenant chacun une prière qui sera emmenée par le vent, le bleu pour l’espace, le jaune pour la terre, le rouge pour le feu, le blanc pour l’air et le vert pour l’eau. Nous avons accompagné le coucher du soleil, emplis de sérénité et de bonheur.
Nous avons continué notre découverte de la culture tibétaine avec la visite de la Sakya Academy. Cela a été une réelle prise de conscience en ce qui me concerne. Des centaines d’enfants, de la maternelle jusqu’à l’université, vivent sur place, en internat. Khöndung Gyana Vajra Rinpoche et sa femme, visiblement d’une grande ouverture d’esprit et d’une grande générosité, ont décidé de s’engager dans cette grande aventure et d’ouvrir une école pour les enfants défavorisés des campagnes, une école qui leur prodiguerait non seulement la culture religieuse du bouddhisme, mais aussi, qui leur permettrait d’apprendre l’anglais, l’hindou et d’acquérir une complète culture générale. En effet, les enfants tibétains qui sont éduqués dans les monastères n’ont pas d’autres choix que de devenir moine car ils n’ont pas reçu d’enseignements autres que la religion. Ceux qui décident de ne pas continuer dans le chemin religieux sont condamnés à accomplir des travaux mineurs comme balayeurs… pour survivre.
Nous sommes passés dans toutes les classes et nous n’avons vu que sourires et enfants respectueux, yeux pétillants, essayant de retenir comment prononcer « bonjour ». Norbu était à côté de moi « Norbu, ils doivent être malheureux ces enfants, d’être séparés de leurs parents et de grandir loin d’eux. » Au-delà de la chance qui leur est offerte de sortir de la misère dans laquelle ils grandissaient, Norbu m’a parlé de sa propre expérience. Il est arrivé à l’âge de 4 ans dans une énorme école tibétaine, 3000 enfants, il n’a revu sa mère qu’à l’âge de 15 ans et elle est décédée un mois après. Dans ce centre, ils n’avaient pas assez à manger, ils avaient faim, et chaque jour, ils recevaient des coups, surtout lui car il était dissipé. « J’estime que j’ai eu de la chance, je ne me souvenais plus de mes parents (donc pas de souffrance), et j’ai gagné 3000 frères et sœurs. C’est ainsi que j’ai plein d’amis partout aujourd’hui, sur lesquels je peux compter. » Je lui ai dit ne pas comprendre : chez nous, des enfants que l’on taperait tous les jours, deviendraient violents et agressifs (sauf d’éventuelles exceptions), chez les tibétains, c’est le contraire. Nous avons donc parlé des valeurs inculquées. Chez les tibétains, ce qui prime, bien au-delà du reste, ce sont les valeurs d’humilité, de respect et d’amour. Ils ont l’habitude de vivre ensemble, de coopérer, de s’entraider. A la Sakya academy, où les enfants sont très bien traités avec des méthodes d’apprentissages humanistes et internationales, comme nous aimerions en avoir dans l’éducation nationale en France, les enfants sont avides d’apprendre, respectueux et emplis de gratitude. Cela donne à réfléchir !
Nous avons continué notre enracinement dans la culture tibétaine en allant visiter le Sakya monastery, où nous sommes allés recevoir la bénédiction d’un vieux yogi qui prodigue également des divinations. Une expérience étonnante, emplie d’authenticité et de bonté, d’empathie.
Nous avons également eu un cours, très intéressant, de médecine tibétaine, avec la description des 3 « humeurs » principales, la bile (tripa), le vent (lung), et le phlegme (beken), avec leurs caractéristiques, qui doivent être bien équilibrées pour une bonne santé. Puis nous sommes allés au centre médical tibétain, dans lequel les consultations sont gratuites et l’ensemble des médicaments, à base de plantes médicinales et de minéraux, proviennent de Dharamsala, du centre médical du Dalaï Lama. Trois d’entre nous avons tenté l’expérience : nous sommes allées nous faire ausculter. Une petite femme d’un certain âge, aux yeux pétillants, nous a reçues. Elle me prend le pouls et me dit que je ne dois pas manger « oily » (gras), ne pas boire d’alcool, je dois nettoyer ma rate, engorgée. Puis d’un coup, elle me dit, « tu as mal au dos ? » « Oui, grosse chute de cheval à 16 ans… » »tu prendras les médicaments pendant 1 mois ? » »oui, bien sûr ». Et me voilà repartie avec une ordonnance, que j’ai donnée aux gardiens des pilules réalisées uniquement à partir de plantes, rangées en vrac dans de grands bocaux en verre. J’ai également 6 pilules précieuses à prendre des jours particuliers, comme le jour de la nouvelle lune, ou le jour de la pleine lune, ou le 8 (ils affectionnent particulièrement ce chiffre). La mienne est Yu Nying 25 – Rinchen Yu Nying Nyerga, La précieuse turquoise ancienne. Il paraît que c’est toute une poésie de prendre ces pilules, il faut les croquer mais elles sont tellement dures, qu’il faut au préalable les écraser au pilon… Voici les indications en français, en cliquant ici. J’ai demandé à Norbu si elles étaient bonnes : « au début, tu vas les détester, et ensuite, tu les trouveras bonnes. » Peut-être la magie Parodontax, pour ceux qui connaissent.
Bon, l’ensemble des pilules, à prendre plusieurs fois par jour, 1/2h avant ou après le repas, est dans ma valise. Je vous en donnerai des nouvelles !
Ah oui, j’allais oublier de vous transmettre le secret d’une bonne santé, c’est de boire de l’eau qu’on a faite bouillir et qu’on a laissée refroidir à 37 degrés, chaque matin, en se levant.
Et je clôturerai mon expérience tibétaine avec la rencontre marquante de nonnes du monastère Drikung Kagyu à Dehradun. Vous trouverez ici quelques images en musique : https://vajradakininunnery.org/about/samtenling-nunnery/. Ce monastère reçoit des nonnes qui vont s’engager entre autre dans des retraites en silence de 3 ans et 3 mois, ou encore qui vont enseigner au collège du monastère. La nonne qui nous a reçus avait déjà accompli 4 retraites de 3 ans et 3 mois. Nous sommes restés plus de 3h30 assis sur nos petits coussins, tantôt piquant du nez (c’était après le déjeuner), tantôt ne sachant plus comment nous positionner, et tout en même temps, complètement happés par la présence et les paroles de cette tantrika, emplie d’énergie. Elle parlait en tibétain, Norbu traduisait en anglais et Geneviève en français.
Sa présence, sa voix, ses chants, les expressions de son visage, sont imprimés en moi. Elle nous a donné des conseils pour pratiquer et nous a fait prendre conscience de la chance que nous avions d’être ici aujourd’hui, incarnés en humains, bien portants et recevant des enseignements de sagesse.
Arrêter avec la Dukkha, l’insatisfaction chronique qui nous caractérise.
Dans toutes ses méditations et prières, elle prie pour l’humanité toute entière, tous les êtres vivants…
Tant de leçons de vie reçues pendant ce séjour.